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Le déguisement1

Le déguisement1
Silvia est promise en mariage à Dorante, un jeune homme qu'elle ne connaît pas. Avant
d'accepter définitivement ce parti, elle demande à son père, en présence de sa servante
Lisette, une étrange permission…
SILVIA – Mais si j’osais, je vous proposerais sur une idée qui me vient, de
m’accorder une grâce qui me tranquilliserait tout à fait.
MONSIEUR ORGON – Parle, si la chose est faisable je te l’accorde.
SILVIA – Elle est très faisable; mais je crains que ce ne soit abuser de vos bontés.
MONSIEUR ORGON – Eh bien, abuse, va, dans ce monde il faut être un peu trop
bon pour l’être assez.
LISETTE – Il n’y a que le meilleur de tous les hommes qui puisse dire cela.
MONSIEUR ORGON – Explique-toi, ma fille.
SILVIA – Dorante arrive ici aujourd’hui, si je pouvais le voir, l’examiner un
peu sans qu’il me connût; Lisette a de l’esprit2, Monsieur, elle pourrait
prendre ma place pour un peu de temps, et je prendrais la sienne.
MONSIEUR ORGON (A part.) – Son idée est plaisante3. (Haut.) Laisse-moi rêver4 un
peu à ce que tu me dis là. (A part.) Si je la laisse faire, il doit arriver quelque
chose de bien singulier, elle ne s’y attend pas5 elle-même... (Haut.) Soit, ma fille,
je te permets le déguisement. Es-tu bien sûre de soutenir le tien, Lisette?
LISETTE – Moi, Monsieur, vous savez qui je suis, essayez de m’en conter6, et
manquez de respect, si vous l’osez; à cette contenance-ci7, voilà un
échantillon8 des bons airs avec lesquels je vous attends, qu’en ditesvous?
Hem, retrouvez-vous Lisette?
MONSIEUR ORGON – Comment donc, je m’y trompe actuellement moi-même; mais
il n’y a point de temps à perdre, va t’ajuster suivant ton rôle, Dorante peut
nous surprendre, hâtez-vous, et qu’on donne le mot9 à toute la maison.
Le déguisement1
Silvia est promise en mariage à Dorante, un jeune homme qu'elle ne connaît pas. Avant
d'accepter définitivement ce parti, elle demande à son père, en présence de sa servante
Lisette, une étrange permission…
Marivaux
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Le jeu de l’amour et du hasard (1730)
1 Travestissement.
2 Parle bien.
3 Jolie, amusante.
4 Penser.
5 Elle ne l'imagine pas.
6 De me ridiculiser.
7 Si vous le faites.
8 Exemple.
9 Qu'on dise cela.
Compréhension
1. Vrai ou faux? V F
Silvia est la fille de Monsieur Orgon.
Elle doit se marier avec Dorante.
Elle demande à son père d'examiner son fiancé.
Pour le faire, elle veut se déguiser en homme.
Le père n'accepte pas l'idée de sa fille.
Lisette n'est pas d'accord avec Silvia.
Lisette n'est pas capable de jouer le rôle de Silvia.
Elle démontre à Monsieur Orgon ce qu'elle sait faire.
On décide de ne rien dire au reste de la maison.
© 2006 by Carlo Signorelli Editore,
Milano
Edumond Le Monnier S.p.A.
Tutti i diritti riservati
LittérACTION! ´1
www.carlosignorellieditore.it
2 Unité H
Analyse
2. Cochez la bonne réponse:
Comment est le ton de cet extrait?
épique léger très sérieux
Comment sont ses répliques?
longues courtes les deux
Et la ponctuation?
répétitive variée rare
Et les didascalies?
détaillées essentielles nombreuses
Quel est le rythme du dialogue?
lent naturel cadencé
Est-ce qu'il y a un personnage dominant?
oui, Lisette oui, Silvia non
3. Divisez les verbes de l'extrait - à part les auxiliaires
et pouvoir - dans ces deux catégories:
action intellectuelle action matérielle
......................................... .......................................
......................................... .......................................
......................................... .......................................
......................................... .......................................
......................................... .......................................
......................................... .......................................
4. Que remarquez-vous?
5. Trouvez, pour chacun des trois personnages, trois
adjectifs qui le décrivent:
Silvia Monsieur Orgon Lisette
............................ ............................ ...........................
............................ ............................ ...........................
............................ ............................ ...........................
6. Quels sont les éléments qui vous ont permis de faire
ces choix?
7. Soulignez les adjectifs qui décrivent le projet de Silvia:
• ordinaire • osé • risqué • facile
• amusant • impertinent • malin • ingénu
• ambigu • audacieux • commun • honnête
8. Justifiez vos choix.
Élargissement
9. Choisissez les affirmations que la lecture de cet extrait
autorise:
L'auteur présente une jeune fille modeste et soumise
à la volonté de son père.
Les mouvements de l'âme et des esprits sont au
centre de l'attention.
On voit un enseignement moral dans cet extrait.
L'auteur ne veut pas amuser son public.
Son style est assez lourd et académique.
Cette pièce est probablement une tragédie.
L'extrait se situe à la fin de la pièce.
On peut imaginer que la pièce va exploiter l'ambiguïté
de la situation.
10. Justifiez vos choix.
LABORATOIRE créACTIF
11. Faites de rapides descriptions des caractères des
trois personnages de l'extrait Le déguisement de Marivaux:
Silvia:
......................................................................................
......................................................................................
Monsieur Orgon:
......................................................................................
......................................................................................
Lisette:
......................................................................................
......................................................................................
12. Imaginez ce qui se passe quand Lisette, déguisée
en Silvia, rencontre Dorante et écrivez quelques répliques
de ce dialogue:
LISETTE ..........................................................................
......................................................................................
DORANTE ........................................................................
......................................................................................
LISETTE ..........................................................................
......................................................................................
DORANTE ........................................................................
......................................................................................
Esprits inquiets, âmes sensibles 3
L’intrigue. C’est la comédie de Marivaux la plus célèbre,
celle qui est devenue un classique du théâtre
français. C’est l’histoire de deux fiancés, Dorante et
Silvia, qui ne se connaissent pas – leurs familles ont
décidé de les marier – et qui décident contemporainement
de connaître l’autre sans se présenter directement.
Ainsi, Dorante et son valet Arlequin
échangent leurs rôles et Silvia fait la même chose
avec sa servante Lisette. Inévitablement, les deux
fiancés se croient amoureux des deux serviteurs et
n’aiment pas leurs prétendus maîtres (qui sont en
réalité les serviteurs). Silvia découvre la première le
jeu de son futur mari, mais continue son subterfuge
pour être certaine de l’amour de Dorante. Quand elle
obtient une déclaration définitive de la part du jeune
homme, le double jeu se termine et les deux fiancés
peuvent se marier certains de leur amour.
Un thème difficile. Sans mettre en discussion – comme
l’avait fait Molière – l’habitude des mariages combinés
par les familles, Marivaux réussit à donner
l’impression de la liberté des deux protagonistes et
décrit avec attention les peurs, les surprises, les moments
de joie et de préoccupation des deux fiancés.
L’amour qu’ils nourrissent pour ceux qu’ils croient
être des serviteurs, un amour impossible, représente,
à l’époque de Marivaux, un thème difficile, qu’il traite
avec humour mais aussi avec sincerité: le veritable
amour ne connaît pas de limites et la déclaration de
Dorante à la fausse Lisette reste un moment de
transgression dans la pièce et aussi un passage dramatique
pour le personnage et pour les conventions
de l’époque.
CO-TEXTE Le jeu de l’amour et du hasard (1730)
Les débuts difficiles. Né à
Paris en 1688 (vrai nom:
Pierre Carlet de Chamblain),
Marivaux passe
son enfance et son adolescence
dans le Massif
central, puis revient
dans la capitale en 1710
pour des études de droit,
commence à écrire des
romans sans succès, fréquente
les salons littéraires
et participe à la
Querelle des Anciens et des Modernes, arrivée à sa
dernière phase, du côté des Modernes.
Entre la ruine et le succès. Entre 1717 et 1720 il s’enrichit
par son mariage, ses premières pièces ont du
succès (L’Amour et la Vérité et Arlequin poli par
l’amour sont représentées en 1720), puis, la même
année, l’auteur est ruiné par la banqueroute du financier
Law; en outre, sa femme meurt en 1723 et il doit
écrire pour élever sa fille, qui entrera au couvent en
1745. Heureusement, il obtient un succès durable
grâce à ses pièces que le public apprécie surtout
pour leur contenu moral et satirique, et sa collaboration
avec la troupe de la Comédie-Italienne de Silvia
Benozzi, commencée en 1732, dure plus de vingt
ans.
Un théâtre sentimental. Moraliste et psychologue, cet auteur
réussit à mettre sur scène des comédies dans lesquelles
les nuances des caractères et des coeurs sont les
protagonistes. Si l’analyse des sentiments caractérise
son théâtre et ses romans, la critique de la société et de
ses vices est à la base de sa carrière de journaliste, qui le
rend célèbre dans les salons les plus importants. La co-
PROFIL CRITIQUE Marivaux
1688 Naissance à Paris dans une famille de petite
noblesse.
1710 Études de droit.
1712 On joue sa première comédie, Le Père prudent
et équitable.
1713 Il publie l’essai satirique Le Bilboquet et
conclut le roman Pharsamon.
1717 Il se marie avec une riche bourgeoise, Colombe
Bollogne.
1720 Représentation de L’Amour et la Vérité et
d’Arlequin poli par l’amour.
1721 Ruiné par une banqueroute (1720), il devient
avocat.
1730 On joue Le Jeu de l’amour et du hasard.
1731 Il commence à publier le roman La Vie de
Marianne (terminé en 1741).
1732 Représentation de L’École des mères. Les
succès s’enchaînent.
1737 On joue Les Fausses Confidences. En 1742, élu
à l’Académie française.
1763 Il meurt à Paris.
Marivaux.
4 Unité H
médie de Marivaux révèle un monde intime – surtout
féminin – raffiné et fragile, où l’amour intervient comme
une surprise, mais ce théâtre dénonce aussi la fausseté
des hommes dans le jeu social et met en évidence un talent
comique fait de vivacité et de surprises.
Le marivaudage. Ses contemporains ont critiqué Marivaux
pour son style léger et ses situations artificielles,
dans lesquelles le dialogue est maniéré et
frivole: on invente ainsi le mot marivaudage pour décrire
cet aspect du langage théâtral de l’auteur.
Les mérites littéraires. En réalité, une analyse plus attentive
de son oeuvre révèle que le manque de réalisme dans
le cadre de ses pièces était nécessaire pour focaliser l’attention
du spectateur sur la psychologie des personnages,
sur leur monde intérieur. D’ailleurs, les romans de
Marivaux (dont le plus important reste La Vie de Marianne,
publié entre 1731 et 1741) présentent un effort
de réalisme social et historique considérable et son activité
de journaliste ne permet pas de le considérer comme
un homme isolé dans son univers sentimental. En
outre, si la spontanéité manque souvent aux comportements
de ses personnages, c’est parce qu’ils vivent dans
un monde où il faut se soumettre à des règles précises, il
faut porter un masque; la subtilité du style de Marivaux
consiste justement à nous permettre d’entrevoir
derrière ces apparences la sensibilité de ses héros.
CONTEXTE Le théâtre au XVIIIe siècle tome I - p. 348
Corrigés
1. V • V • V • F • F • F • F • V • F.
2. léger • les deux • variée • essentielles • naturel • non.
3. action intellectuelle: oser, proposer, accorder, tranquilliser, craindre, s'expliquer, examiner,
connaître, abuser, rêver, dire, attendre, permettre, soutenir, essayer, manquer, retrouver, se
tromper, perdre, surprendre, donner le mot • action matérielle: faire, arriver, voir, prendre,
dire, suivre, s'ajuster.
4. Les actions intellectuelles dominent et beaucoup de verbes indiquant des actions
matérielles sont employés ici dans un contexte intellectuel.
5. Réponses possibles: • Silvia: curieuse, intelligente, rationnelle • Monsieur Orgon:
débonnaire, ouvert, disponible • Lisette: rusée, active, fidèle.
6. L'idée originale de Silvia, la permission accordée par son père et la disponibilité de Lisette.
7. osé, risqué, amusant, impertinent, malin, ambigu, audacieux.
8. Un tel projet, à l'époque de Marivaux, était certainement rare et risqué; pour une fille
bourgeoise, en outre, se déguiser en servante était osé, audacieux et impertinent, compte
tenu aussi de la raison de ce déguisement. L'ambiguité et l'amusement font partie d'un tel
projet, comme le démontre la réaction d'Orgon et de Lisette et, d'ailleurs, le stratagème est
bien habile de la part de Silvia.
9. Les mouvements de l'âme et des esprits sont au centre de l'attention. • On peut imaginer
que la pièce va exploiter l'ambiguïté de la situation.
10. On a déjà parlé de l'ambiguïté de cette situation et de l'importance des actions intellectuelles
(y compris celles qui ont affaire au domaine des sentiments). Il faudra insister aussi sur le ton
léger et amusé du dialogue, une légèreté qui n'exclut pas l'originalité des caractères présentés.
11. Exemples: • Silvia: Intelligente et astucieuse, cette belle fille sait toujours exactement ce
qu'elle veut et n'hésite pas à employer tous les moyens pour l'obtenir. • Monsieur Orgon:
Homme respectable et riche, mais ouvert aux nouveautés et surtout très disponible envers sa
fille, qu'il aime profondément. • Lisette: Servante active et habile qui sait devenir la complice
de sa maîtresse, avec laquelle elle a des rapports directs et francs.
12. Réponse personnelle.

التعليقات

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